Qu'est-ce qu'un négociant en vin ?

Fascinant et complexe à la fois, le monde du vin offre toute une tripotée de professions passionnantes à qui est fasciné par l'art de la viticulture et de l'œnologie. Parmi ces métiers parfois méconnus, celui du négociant en vin occupe une place particulière, jouant un rôle essentiel malgré les zones d’ombres qu’il présente pour la plupart d’entre nous. Bien moins compris que le rôle du vigneron ou du sommelier sur lequel Gaspard vous dévoilait tout dans son billet : « Qu’est-ce qu’un sommelier ? », comprendre le métier de négociant en vin revient pourtant à plonger au cœur de l’une des parts les plus importantes de l'économie viticole. Aussi, pour que le métier de négociant n’ait plus aucun secret pour vous, suivez Gaspard dans cette nouvelle exploration.

Les origines du métier de négociant

L’origine du métier de négociant en vin s’inscrit dans une longue histoire de commerce et d’évolution des pratiques viticoles qui remonte à plusieurs siècles. Ce rôle a émergé naturellement dans le contexte de la nécessité de distribuer et commercialiser le vin au-delà des frontières locales des domaines viticoles.

Racines antiques et Moyen-Âge

Dès l’Antiquité, le vin était un produit d’échange et de commerce important, transporté de sa région de production vers des zones où la demande existait. Cependant, le métier de négociant, tel que nous le connaissons aujourd’hui, a commencé à prendre forme au Moyen Âge. À cette époque, les marchands jouaient un rôle clé dans le commerce du vin, le transportant des régions productrices vers les centres de consommation, y compris les villes et les cours royales.

Le rôle des ports commerciaux

Les villes portuaires ont joué un rôle significatif dans le développement du négoce du vin. Des villes comme Bordeaux en France, Porto au Portugal, ou encore Jerez en Espagne sont devenues des centres névralgiques du commerce du vin, facilitant l’exportation vers d’autres pays européens et au-delà. Les négociants s’y établissaient pour profiter de ces axes commerciaux, développant des réseaux de distribution qui s’étendaient parfois à travers le monde.

L’influence des réglementations

Au fil du temps, la profession de négociant a été influencée et façonnée par des réglementations locales et internationales. Par exemple, en France, des réglementations spécifiques ont été mises en place pour contrôler la qualité et l’origine des vins, ce qui a renforcé le rôle des négociants comme garants de ces standards. Ces réglementations ont contribué à définir les contours professionnels du métier et à établir la confiance dans les réseaux de commerce du vin.

Évolution et diversification

Avec l’expansion des marchés internationaux et l’évolution des goûts des consommateurs, le métier de négociant en vin a continué à se développer et à se diversifier. Les négociants ont commencé à jouer un rôle plus actif dans la sélection et l’assemblage des vins, contribuant parfois à la création de cuvées spécifiques destinées à certains marchés ou consommateurs.

Révolution industrielle et mondialisation

L’avènement de la révolution industrielle et les progrès dans les transports (comme le chemin de fer et les navires à vapeur) ont encore amplifié le rôle du négociant en facilitant une distribution plus large et plus efficace des vins. La mondialisation du marché du vin au XXème siècle a ouvert de nouvelles opportunités pour les négociants, leur permettant de commercialiser des vins de plus en plus variés à une clientèle internationale.

Les différents visages du négociant en vin

Un négociant en vin peut être vu comme un intermédiaire crucial dans le parcours du vin, de la vigne jusqu’au verre. Sa mission principale consiste à collecter les vins de divers producteurs pour ensuite les revendre à des acheteurs professionnels tels que des cavistes, sommeliers, ou restaurateurs. Toutefois, cette définition cache une grande diversité d'activités selon la région viticole concernée.
Pour cause, la profession de négociant varie grandement d'une région à l'autre, chaque territoire ayant ses spécificités et traditions.

Et au sein même d’un territoire, parfois, un négociant peut même en cacher un autre. Comme en Languedoc, par exemple, où Gérard Bertrand, success story languedocienne, propose aussi bien des vins issus de ses propriétés que des vins de marques acquises sous contrat auprès d'autres vignerons. Cette démarche, axée sur la qualité et la réputation de sa marque, contraste fortement avec celle d'un négociant anonyme qui, dans la même région, peut se spécialiser dans la fourniture de vins d'entrée de gamme réservés à la grande distribution. Ces deux approches, bien que différentes, soulignent un point commun crucial : tous deux vivent du commerce de vins qui ne proviennent pas exclusivement de leur propre production.

Ailleurs en France, comme en Bourgogne et en Champagne, de nombreux vignerons deviennent également négociants pour diversifier leur offre, achetant des raisins ou des lots de vins déjà vinifiés à d'autres producteurs pour créer des marques de négoce. Ces activités coexistent avec celles de grandes marques reconnues qui, en plus de posséder d'importants domaines, s'engagent dans le négoce pour compléter leur gamme.

En Bourgogne, cette dynamique est illustrée par des maisons renommées telles que Jadot, Bouchard Père et Fils, Latour ou encore Faiveley - pour ne citer qu’elles - qui en marge de leurs vastes propriétés viticoles situées sur des appellations prestigieuses, développent une activité de négoce significative, achetant du vin ou des raisins pour enrichir leur gamme de produits. Un modèle similaire est observé dans la vallée du Rhône, où des négociants de renom qui sont également producteurs - comme M. Chapoutier, Delas, E. Guigal, Jaboulet - jouent un rôle clé dans la valorisation des vins de la région.

La Champagne n'échappe pas à cette tendance. De nombreux vignerons y ont également opté pour la carte de négociant afin de diversifier leur offre. Cette stratégie rencontre peu de résistance de la part des grandes maisons, qui, au sein du comité interprofessionnel, s'accordent sur le prix du raisin. Parmi les acteurs majeurs, citons la maison de Champagne Moët et Chandon (appartenant au groupe LVMH, qui inclut également Veuve Clicquot, Ruinart, Krug, etc.) qui se distingue non seulement comme la plus importante marque de négoce, mais aussi comme le plus grand propriétaire de vignes de la région.

Enfin et ce n’est finalement que dans cette région que la notion de négoce est fondamentalement différente des autres bassins viticoles, à Bordeaux, le négoce occupe une place particulière avec une organisation unique, où des négociants proposent des vins de marque en récupérant du vin en vrac auprès des coopératives et des vignerons. Parmi les acteurs les plus emblématiques du négoce bordelais, citons Mouton Cadet, Baron de Lestac de la maison Castel, ou encore Beau Rivage de Borie-Manoux.
Précisons toutefois que si cette tradition du négoce était bien ancrée jusqu'aux années 1980, elle a beaucoup évolué face aux crises et aux changements de consommation. Aujourd’hui, dans un contexte économique tendu, le vignoble de Bordeaux est en crise et rencontre de grandes difficultés à écouler ses volumes, même à bas prix, exacerbant la chute des cours fixés par le négoce et mettant en lumière les défis auxquels fait face le secteur.

Négociant-propriétaire vs négociant non-propriétaire : une subtilité qui n’en est pas une

Vous l’avez compris avec l’exemple de Gérard Bertrand ou encore de Michel Chapoutier, le négociant en vin peut aussi bien être un propriétaire de vignoble qui commercialise sa propre production qu’un individu non-propriétaire qui sélectionne et assemble des vins de producteurs différents pour créer une offre diversifiée. Cette distinction souligne l'importance de la connaissance du marché et la capacité à identifier et anticiper les tendances dans le métier de négociant.

Les compétences et qualités du négociant

Pour réussir dans le métier, un négociant doit allier des compétences commerciales à une connaissance approfondie des vins et spiritueux. L'empathie, l'écoute, et de bonnes capacités d'analyse sont essentielles pour bâtir et maintenir un portefeuille clients et fournisseurs solide. La capacité à naviguer dans le marché, à sélectionner les meilleurs produits selon les besoins des clients, et à résoudre les éventuels litiges représente également des atouts majeurs.

Un métier réglementé

Le métier de négociant en vin est règlementé, et particulièrement dans le cas de négociants qui ne sont pas directement producteurs. Une inscription sur le registre national public des courtiers en vins et spiritueux est requise, témoignant de l'exigence de transparence et de professionnalisme dans le secteur.

Un vin de négociant est-il aussi bon qu’un vin de vigneron indépendant ?

Parce que le négociant en vin est bien plus qu'un simple intermédiaire mais est également un acteur majeur de l'industrie viticole qui fait le pont entre le producteur et le consommateur et créé des vins qui répondent à l’évolution des goûts, ce serait mentir que de dire qu’un vin issu du négoce est moins bon qu’un vin produit par un vigneron indépendant. Toutefois, il convient d’admettre qu’il est difficile de faire du cas par cas et que, comme dans chaque profession et dans chaque offre, il y a du bon et du moins bon. S’il existe des négociants peu scrupuleux qui produisent du volume au détriment de la qualité, d’autres veillent à conjuguer les deux aspects pour offrir de bons rapports qualité - prix aux consommateurs.